interview

L’interview

Corentin Tolisso

Avant de devenir professionnel, le chemin est souvent semé d’embûches. Comment as-tu vécu cette période, notamment ton enfance et ton adolescence ? Quels ont été les plus grands défis ?

C’est un chemin compliqué pour devenir professionnel.
Commençons quand j’avais 12 ans, car c’est le moment où un réel tournant s’est opéré. Quand j’ai rejoint l’Olympique Lyonnais, je suis rentré à l’internat, c’est quelque chose qui a été assez compliqué pour ma part car j’étais loin de mes parents et de ma sœur pour la première fois. Mais progressivement, plus le temps passait et plus, on s’habitue et on passe malgré tout des super moments à l’internat avec les autres joueurs.

Ce qui a également été compliqué par la suite, c’est la période du lycée, le fait de ne pas pouvoir faire comme tous les autres. Des trucs bêtes, ne serait-ce que pouvoir aller manger dehors et ce qu’on voulait. Nous étions tenus à un régime strict même à la cantine et les week-ends, on était toujours concentrés dans nos entraînements et nos matchs pendant que les autres pouvaient avoir du temps libre pour sortir faire les fêtes, s’amuser, etc. Ce sont des sacrifices sur le moment même si au fond de nous, on sait pourquoi on le fait.

Il y a eu un moment dans mon parcours, à 15 ans, où on m’a sorti de l’internat du centre de formation et on m’a dit que l’année d’après, je n’allais pas être gardé dans le centre de formation.

Sauf que pour venir, il fallait que je trouve un moyen et à l’époque, j’habitais à Amplepuis à une heure donc c’était compliqué pour venir tous les jours. Avec ma famille, on a finalement déménagé et on s’est rapproché. C’était une période assez compliquée pour moi, mais d’un autre côté, avec du recul, c’est ce qui m’a forgé et qui finalement a fait de moi ce que je suis aujourd’hui.

Quand je suis sorti des entretiens, je me suis dit que c’était fini l’OL, j’habitais trop loin, c’était trop compliqué. Après, j’ai beaucoup parlé avec mes parents et ils ont accepté de déménager pour moi, et ma mère a trouvé du travail sur Lyon. On a donc retrouvé petit à petit un équilibre, malgré les réveils tous les jours à 5h45, pour aller prendre le train afin d’aller à l’école. C’était vraiment le plus gros défi auquel j’ai dû faire face, mais aujourd’hui, je suis tellement content de l’avoir fait.

À 30 ans, si tu devais résumer ta carrière en quelques mots, quels seraient-ils ? Quel regard portes-tu sur ton parcours jusqu’ici ?

Je suis fier, car le petit garçon a accompli son plus grand rêve, je suis reconnaissant de tout ce que j’ai réalisé tout au long de ma carrière, même si c’est loin d’être terminé et que j’ai encore beaucoup d’objectifs.

Après, j’ai le regret des blessures, même si on ne peut rien y faire.Alors aujourd’hui, j’essaie de ne pas culpabiliser là-dessus. En résumé, je suis fier et content de ce que j’ai pu faire jusqu’à maintenant, sans aucun regret et j’ai envie de faire bien plus encore.

Quels sont les trois moments qui ont marqué ta carrière, positivement ou négativement ? Pourquoi ces instants en particulier ?

Le premier moment marquant pour moi, c’est lorsque j’ai signé mon contrat professionnel. Tu te dis que tu es arrivé à quelque chose qui était impensable, mais que ce n’est finalement que le tout début, c’est réussi sans avoir vraiment réussi encore.

Le deuxième moment est quand on a gagné la finale de la Coupe monde avec l’équipe de France.

Le troisième moment, je dirais que c’est lorsque j’ai eu les croisés, c’était l’un des pires moments de ma carrière. Je sortais de la Coupe du Monde, il fallait que je m’impose au Bayern, pour moi, c’était la bonne année. J’allais avoir 24 ou 25 ans, c’était dans la continuité de ma carrière et ça m’a mis un gros stop. Ce fut très dur mentalement à ce moment-là.

Devenir champion du monde, c’est un rêve pour tout footballeur.
Qu’est-ce que ce titre a changé pour toi, aussi bien sur le terrain que dans ta vie personnelle ?

Devenir champion du monde était un rêve oui et non, car quand j’ai commencé, mon plus grand rêve était tout simplement de devenir footballeur professionnel. Donc devenir champion du monde en fait, c’est bien plus qu’un rêve!

Tu commences à peine à l’imaginer quand tu arrives en équipe de France, ensuite, tu y penses un peu plus quand tu as la chance d’être sélectionné pour participer à une Coupe du Monde. C’est pendant la compétition que tu réalises que tu peux la gagner. C’est quelque chose d’extraordinaire. Ce qui a changé pour moi après cette victoire, je dirais surtout “l’après Coupe du monde” quand les gens, dans ma vie de tous les jours, venaient prendre des photos avec moi juste parce que d’autres gens venaient faire des photos. Ils ne savaient même pas qui j’étais ni ce que j’avais fait (rires). Alors quand ils disaient “Il a gagné la Coupe du Monde” c’était l’engouement général.

Aujourd’hui, on est 46 à être champions du monde en France donc c’est quelque chose de très rare et je suis super content d’en faire partie.

Tes proches ont toujours joué un rôle important dans ta carrière.
Quelle place occupent-ils aujourd’hui dans ton quotidien et dans ta gestion de ta vie de footballeur ?

Mes proches sont la chose la plus importante pour moi, pour réussir autant dans ma vie personnelle que dans ma carrière professionnelle. Ils occupent une très grande place. Pour ne pas les citer, mes parents et ma sœur, mais aussi et surtout ma compagne et mes filles qui sont plus qu ‘importantes pour moi dans ma vie. Elles sont tout simplement mon équilibre. Si mes proches vont bien alors, je vais bien et c’est aussi ce qui va me permettre d’être bon sur le terrain.

Cela n’a pas toujours été simple, car quand j’étais en Allemagne, au début, je n’étais qu’avec ma compagne, donc j’avais le manque de mes parents, de ma sœur et mes amis, c’était assez difficile à gérer. Mais depuis que je suis revenu à Lyon, ça va beaucoup mieux. Je suis quelqu’un qui est très proche de ma famille et de mes amis, nous sommes très fusionnels, donc pouvoir les voir fréquemment et passer du temps avec eux, c’est ça qui me rend vraiment heureux.

As-tu déjà pensé à ta reconversion après le football ? As-tu des projets concrets en tête pour “l’après” ?

Me consacrer à ma vie de famille dans un premier temps, puis, j’ai ouvert des sociétés avec des amis, donc j’aimerais pouvoir m’impliquer davantage pour les développer, notamment celles avec ma sœur : sport, transport. J’aimerais trouver un équilibre entre vie de famille et vie d’entrepreneur. Je ne veux surtout pas ne rien faire de mon quotidien.

J’ai la chance d’avoir été bien conseillé tout au long de ma carrière et on m’a toujours poussé à investir, investir, investir. Quand t’es jeune, on te dit d’investir sauf que tu n’as jamais vraiment eu d’apprentissage quant à la notion d’argent. Quand tu commences à gagner des grosses sommes d’argent, tu ne sais pas forcément gérer ça et on ne te l’apprend pas alors ça peut vite monter à la tête de certains.

Pour ma part, j’ai toujours eu mes parents qui m’ont beaucoup conseillé et qui surtout avaient les pieds sur terre. A l’âge de 25/26 ans, j’ai commencé à davantage investir et d’autant plus depuis que je suis revenu à Lyon, pour préparer mon après-carrière.

Quel message aimerais-tu transmettre aux jeunes qui rêvent de devenir footballeurs professionnels ?
Quels conseils donnerais-tu pour réussir et surmonter les obstacles ?

3 mots : travail, humilité et mental.

Toujours croire en ses rêves et tout donner pour y arriver. Travailler dur, c’est vraiment la chose la plus importante et préserver. Aussi rester humble et avoir le mental nécessaire pour surmonter les obstacles, car il y a forcément des hauts, mais aussi des bas et tout va très vite dans le football, donc il faut beaucoup de mental pour surmonter les étapes de sa carrière.

Tu as grandi à Lyon, un club et une ville qui ont marqué ton parcours. Quel lien entretiens-tu aujourd’hui avec cette ville et l’OL ?

Lyon pour moi est une ville avec laquelle j’ai un lien très fort, même si j’étais un peu excentré de Lyon durant mon enfance. J’ai grandi à Lyon, j’ai été formé à Lyon, c’est une très belle ville dans laquelle je me sens vraiment bien et je compte y rester même après ma carrière. C’est chez moi.

L’immobilier est un sujet qui intéresse de nombreux sportifs.
Quel est ton rapport avec ce domaine ? As-tu investi ou envisages-tu d’y investir davantage ?

J’aime bien l’immobilier, j’ai d’ailleurs investi et c’est pour moi une vraie valeur refuge, la pierre reste l’un des meilleurs investissement à mon sens.

J’apporte de la valeur aussi au foyer, la maison. Aujourd’hui, j’ai investi pour réaliser la maison de mes rêves à Lyon et j’en suis ravi. Je suis content de rentrer chez moi et de me sentir bien dans ma maison.

Tu es engagée dans le milieu associatif.
Peux-tu nous parler de ton association, de ses objectifs et de l’impact que tu espères avoir ?

On a créé en 2023 avec ma mère, Emmanuel Cario et Nicolas Raisin, une association pour les personnes en situation de handicap : Toliss’all

L’association Toliss’All a pour objet de favoriser et de soutenir le répit pour tous, notamment des familles liées au handicap, à la maladie et à l’âge (les aidants et les aidés) par le biais du loisir pour tous (tous types de loisirs, sports et bien-être).

J’ai commencé à faire des visios pendant la covid, mais l’association est véritablement née du fait qu’un jour, une maman avec qui j’avais beaucoup échangé au sujet du handicap de son enfant, me parle d’un projet qui me touche et que je trouve super intéressant. Donc j’en parle avec ma mère, comme point de départ de l’association Tolisso, et on finit par se rencontrer et faire naître ce projet au grand jour. Au début, on voulait créer des gîtes de répit pour les personnes en situation de handicap, pour les aidés et les aidants. L’association aujourd’hui organise beaucoup d’activités afin de proposer du répit aux aidants à Amplepuis où j’ai grandi, à Tarare et bientôt à Craponne.

L’association a pour but, pour les familles confrontées aux situations de handicap, à la maladie ou à la vieillesse, d’accéder facilement aux loisirs et au répit pour soulager leur charge mentale. Lors des activités proposées, les samedis matin, l’aidé est pris en charge pendant que l’aidant est, lui aussi, pris en charge pour pouvoir de son côté accéder à une activité lui permettant d’avoir du répit et lui permettre de mettre de côté sa charge mentale.

Pour financer et obtenir des fonds, on a fait un tournoi à l’Arbresle l’année dernière avec 16 équipes mixtes, avec des personnes en situation de handicap et des personnes valides qui jouaient ensemble. Ça s’est super bien passé, c’était vraiment une belle expérience humaine et tout le monde a adoré. On va donc le refaire cette année, le 18 mai, avec encore plus d’équipes donc n’hésitez pas à vous inscrire si la cause vous touche ! On va essayer de faire également un loto à l’automne prochain.

Pour moi, il est important que ma notoriété serve à défendre et à aider cette cause, même si chacun fait les choses à son échelle si ma notoriété peut m’aider à faire encore plus évoluer les choses, j’en serais très heureux. Je me dis aussi que j’ai presque 30 ans, que je ne ferais pas footballeur toute ma vie, je veux faire les choses pendant que je suis encore en activité et dans la “lumière” .